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Julie et ses brebis

Il est 7h30 du matin lorsqu’on rejoint Julie devant l'enclos de ses brebis. La fraîcheur de l’aube s’accroche aux arbres encore endormis. L’apprentie bergère a trouvé un lieu idyllique pour ses jeunes protégées. C’est un joli petit bout de paradis qui ne ressemble nullement aux prairies de pâturage que l’on imaginerait pour un troupeau de brebis. C’est d’ailleurs ce qui a plu à Julie.




Lorsqu’on passe le portail en bois de l'enclos, on se retrouve sur les berges d’un étang qui déjà pétille, et joue à cache-cache à travers les branchages avec le soleil de juillet. Tout est bien silencieux si ce n’est quelques grenouilles matinales qui nous régalent de leur chant.

Et pourtant, à peine la bergère arrivée près de l’eau, voilà que surgissent les brebis !


“Allez les brebioux, c’est parti !”


Julie prend le pas, les brebis à sa suite, nous au milieu et Olivier son compagnon pour fermer la marche. Voilà une curieuse procession qui s’avance avec enthousiasme vers la mangeoire au bout de l’étang.


“On est sur le terrain de Grégory, un jeune homme très sympa d’une trentaine d’années dont j’ai eu le contact via un réseau de personnes engagées dans la transition écologique. Il me met gratuitement à disposition ses cinq hectares boisés, son matériel et son petit chalet, pendant le temps qu’il faudra ! Lui, son objectif c’est, dans 10 ans, de constituer sur ce terrain un éco village. En attendant, il passe ses week-end ici, à bricoler et à jardiner.

Il avait trop hâte que les brebis arrivent et pour moi c’est un grand soulagement car près de l’Arbre de Vie, à la Garenne, toute la prairie a séché. C’était vraiment une source de stress. Ici, les brebis sont ravies, je vois plein de petits bouts de branches grignotées par-ci, par-là. Et puis il y a de l’ombre partout ! Regarde comme elles sont contentes”.


On sent immédiatement à quel point Julie est à l’aise parmi ses bêtes.


“J’ai toujours eu une fibre avec les animaux, une proximité avec eux, depuis toute petite je savais que je travaillerai un jour avec le monde animal. Au départ, j'étais très attirée par les chèvres, je trouvais ça rigolo. Mais je voulais vraiment un animal endémique du climat d’ici, et de discussions en discussions est venue l’idée des brebis. Ce sont des bêtes très chouettes car toutes petites, très curieuses, très intrigantes et un peu plus sauvages, assez difficiles à apprivoiser. C’est ce côté challenge aussi qui m’a attirée. J’ai fait plusieurs wwoofings avec des brebis laitières pour savoir si ça me conviendrait, et dès ma première expérience ça a été un coup de foudre. Je me suis sentie tout de suite dans mon élément, comme à la maison, comme si j'avais fait ça toute ma vie. C'était vraiment chouette.

Dans la dernière ferme où j’ai été, en Vendée, j’ai découvert une race de brebis, la manèch tête rousse, qui est tiptop, élevée par des gens plus que tiptop. Et c’était parti !”


Quand Julie s’est dit “c’est parti”, elle n’imaginait pas que ça irait aussi vite. Ses brebis manèch, elle les a trouvées sur le Bon Coin. Aujourd’hui encore ça fait beaucoup rire l’équipe de l’Arbre de Vie. Après de nombreux échanges avec l’éleveuse, une semaine à fond pour tout installer, et un aller-retour en Kangoo dans les Pyrénées, les huit brebis débarquent à La Garenne.



Les brebioux de Julie

Julie a choisi d’élever des manèch à tête rousse après avoir découvert cette race lors de son expérience de Woofing en Vendée. Originaire des Pyrénées, cette race rustique a montré de très belles capacités d’adaptation aux climats basques et normands, et devrait se plaire en Loire-Atlantique. Les manèch sont en général plus sauvages que d’autres brebis laitières, ce qui a plu à Julie.



“J’avais prévu un mois ou deux pour que tout soit prêt à leur arrivée. En fait, l’éleveuse m’a fait une super proposition si je venais les chercher dans la semaine. La bergerie n’était pas construite, le parc pas clôturé, les aliments pas achetés. Il y avait tout à faire, tout à concevoir de A à Z en partant de 0 ! Tout le monde a mis la main à la patte ! Ce fut énormément d'énergie et d’émotions mais une fois que c’était fait j’étais si contente, je les imaginais déjà toutes dedans”



A la voir regarder ses brebis, on sent que Julie a tissé un lien particulier avec elles.


“Pendant le trajet, je n’ai pas arrêté de leur parler. Je ne pouvais pas m'empêcher d’avoir le nez derrière, à les regarder être entres elles. C’était trop foufou, c’était le début de tout !

D’ailleurs, je n’étais pas la seule à papoter. Tu vois cette brebis-là, c’est Pipelette et elle a tiré son nom de ce trajet car tout le long elle n’a pas arrêté de bêler ! Elle nous a animé les neuf heures de route de notre épopée !

En arrivant le soir on les a mises dans la bergerie et le lendemain, c'était si agréable de se lever avec leurs petits bêlements, d’aller voir nos petits bébés et puis de sortir avec elles, de commencer à créer du lien. Les semaines suivantes, avec Olivier, on a passé beaucoup de temps assis dans la bergerie à les regarder, à les laisser s’approcher, nous sentir, nous reconnaître. Je ne voulais surtout pas les forcer mais au contraire les laisser s’habituer à notre présence.”


Comme pour appuyer les propos de Julie, une brebis s’approche et pose sa tête sur les genoux de la bergère.


“Tiens, voilà Pipelette justement ! Elle, tu vois, au début, dès qu’on levait une main elle se terrait au fond de la bergerie et puis petit à petit elle a accepté qu’on la touche et aujourd'hui elle adore les papouilles ! Elle vient tout le temps en chercher. Elle est vraiment géniale.”


Julie apprend peu à peu à connaître ses brebis. Elle veut créer un lien particulier avec chacune d’entre d’elles.


"Là-bas, c’est Lili, c’est la plus petite, c’est une Minimoy comparée aux autres, elle a encore sa tête de bébé, elle est trop mignonne, encore un peu sauvage. Et puis en voilà une que j’hésite à appeler Coquette. Elle se tient toujours très droite, sur ses petites pattes toutes blanches. Quelle allure ! Et puis à chaque fois que je la retrouve, elle s’est arrangée pour s’orner la tête de mousses et branchettes diverses. L’équipe m’a suggéré Duchesse, et je trouve que ça lui va très bien !”



“Ce qui me touche dans le projet de Julie, c’est le lien unique qu’elle est en train de créer avec chacune des brebis. Travailler avec des animaux est singulier, cela requiert une grande sensibilité, que je retrouve chez Julie aux côtés de sa détermination de guerrière.”

Jess, membre de l’Arbre de Vie



Cela fait deux mois maintenant que les brebis de Julie sont là. Elles ont aujourd’hui quatre mois. Julie vient les voir trois fois par jours.


“Mon activité c’est vraiment de faire en sorte qu’elles aillent bien, de les nourrir, les abreuver, entretenir leurs pieds, observer ce qu’elles font, regarder si elles n’ont pas le ventre gonflé, vérifier ce qu’elles mangent, m’assurer qu’elles aient tout ce qu’il leur faut. Et puis continuer à créer du lien, pour que je les connaisse chacune de mieux en mieux et réciproquement pour qu’elles me suivent de leur bon gré.”


Les méthodes de Julie

Pour Julie, il est essentiel de procéder avec les méthodes les plus douces et naturelles possibles. Pour cela, elle s’est équipée de plusieurs ouvrages de phytothérapie, homéopathie, ou encore aromathérapie pour les ruminants. Le site “Le Comptoir des Plantes”, son nouvel eldorado, lui permet de s’approvisionner en tous types de produits naturels à destination des élevages. Surtout, c’est son passage en Vendée chez Dominique et Jean-Luc qui l’a confortée dans la faisabilité d’un fonctionnement sans antibiotiques, sans travail au tracteur, avec une traite manuelle et à l’aide de soins alternatifs. L’une de leurs astuces ? Donner aux brebis des minéraux - sous forme de pierres par exemple - en libre-service, à lécher.

Julie a d’ailleurs déjà pu tester un soin aux huiles essentielles sur Lily qui toussait sans cesse. Appliquée deux fois par jour, la lotion a fait des miracles et a confirmé le pouvoir de prévention et de guérison des plantes, à une époque où beaucoup d’éleveurs ne jurent encore que par les antibiotiques.


Les brebis, repues, s’approchent d’Olivier qui, accroupi à l’ombre près de l’étang, nous écoute en silence.


“Olivier m’a énormément aidée. On a quasiment tout fait à deux, que ce soit pendant les réflexions, la construction, les calculs de rations ! De manière générale, j’ai eu beaucoup de soutien pour ce projet fou.

Dominique et Jean Luc me donnent régulièrement des conseils et ils vont même me donner 6 brebis bientôt ! Et puis l’équipe de l’Arbre de vie aussi bien sûr. Aurel’, notre jardinier en chef, fut de très bon conseil. Il est venu sur le terrain ici toute une journée pour qu’on répertorie les plantes et qu’on détermine le meilleur endroit pour les brebis.

Alex m’a aidé sur tout ce qui était construction. Jess et Ricard’ me demandent constamment comment vont les brebis. Il y a un grand intérêt de la part de tout le monde ici.”


Un regard de malice passe dans les yeux de Julie lorsqu’elle poursuit en riant.


“Le seul qui pour l’instant ne joue pas un grand rôle c’est Neiko, mon chien ! Je l’acclimate peu à peu pour faire en sorte qu’elle ne course plus les brebioux. Bientôt, je vais prendre des cours d'éducation canine en troupeau. Ça m’importe beaucoup qu’elles puissent toutes coexister ensemble.”


Nous voilà reparti.e.s pour l’Arbre de vie. Sur le chemin qui mène au portail, on remarque en effet la grande diversité du lieu : des saules se prélassent dans l’eau fraîche, des jeunes peupliers en pleine croissance s’élancent vers le ciel, de nombreux buissons s’éparpillent le long de l’étang.


"Ça m’a vraiment apprit à observer davantage la nature pour s’assurer que rien ne peut leur nuire. S’occuper d’un troupeau c’est avoir la vie de ces petites bêtes entre les mains, c’est une grande responsabilité, le genre de challenge que j’adore ! Cette aventure m’apporte beaucoup de connaissances, et à Olivier aussi. On en apprend tous les jours. J'expérimente en permanence avec elles… et elles expérimentent avec moi ! Je me sens encore plus en osmose avec la nature”


Sur le chemin du retour, nous passons près de parcelles municipales. On y aperçoit des herbes sauvages en friche.


“Récemment, la commune a accepté ma proposition de mettre les brebis en éco-pâturage sur leurs terrains. C’est un voisin du conseil municipal qui m’en a parlé et je trouve ça très chouette. Je vais donc pouvoir jongler entre ici et deux parcelles communales pas très loin de notre éco hameau. C’est donnant-donnant : pour la commune, un entretien écologique des terres et pour moi, des espaces mis à disposition gratuitement !”


C’est l’occasion aussi pour Julie de nous parler de la suite de l’aventure : l’ambition de devenir autonome en aliments pour les animaux, en cultivant ses propres céréales et son propre foin, la construction du laboratoire de transformation, et le lancement de son activité de fromagerie.


“Théoriquement, les brebis pourraient avoir des petits dès leurs huit mois mais ce n’est pas mon objectif, je préfère attendre qu’elles soient physiologiquement prêtes. Je leur laisserai le temps qu’il faudra, sans doute deux ans.”


En arrivant à l’Arbre de Vie, nous croisons les autres membres de l’éco-hameau. Jess et Ricard’ transforment une vieille armoire de récup’ en meuble à savon, Florence teste de nouvelles confiseries, Alex installe une cuve de récupération d’eau de pluie, Aurel paille ses buttes de culture.


“Le projet de Julie est super chouette, il permet de poursuivre notre recherche d’autonomie et contribue à la complémentarité de nos activités. Au jardin, j’utilise la paille usagée des brebis, enrichie en matière fécale. Elle est top pour mes cultures car enrichie d’azote via l’urine des brebis et activée par leur piétinement. C’est encore une belle illustration de permaculture !”

Aurel, membre de l’Arbre de Vie



“ Au sein de l’Arbre de Vie on dit toujours “arrêtons de rêver nos vies, mais vivons nos rêves”. Car c’est vraiment comme ça qu’on prend vraiment notre pied au quotidien !”


Huit membres fondateurs …. Huit brebis …


“Ah oui tiens c’est vrai ça ! C’est une pure coïncidence ! Mais si je devais m’identifier à l’une d’elles, je pense que je serais Pipelette. Je suis aussi assez téméraire, j’aime bien aller vers les gens, je suis assez curieuse et je crois que c’est ça qui la pique à la Pipelette ! Pour les autres membres de l’équipe, je ne sais pas, je ne connais pas encore assez mes brebioux … ! C’est le temps qui nous dira ! (rires)”


En disant au revoir à Julie, elle nous livre ses derniers ressentis.


“J’ai encore beaucoup à apprendre mais j’ai l'impression d’avoir fait ça toute ma vie. Je crois que ce qui m’a le plus surpris finalement c’est d’être autant à l’aise, je me sens si bien avec elles, tout coule de source et j’ai beaucoup de personnes pour me rassurer et me conseiller. J’ai l’impression de m'être trouvée, d’avoir trouvé ma voie. Je devais être bergère dans une autre vie, c’est totalement moi !”



Maud et Camille, bénévoles à l'Arbre de Vie




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